Compatriote du poète-menuisier Adam Billaut, du naturaliste Achille Millien, du pamphlétaire Claude Tillier et du parfait patoisant Franchi, Georges Blanchard tient largement sa place dans le Panthéon des grands hommes nivernais.
Son père déjà, était organisateur de petites troupes locales et encourageait les artistes.
Né le 22 juin 1902 à Donzy, en plein Nivernais, le petit Georges fait l'admiration de son instituteur et de ses camarades sur les bancs de l'école, quand ses rédactions sont lues devant toute la classe ! Dès l'âge de 12 ans, il confie régulièrement à un cahier, les poésies qu'il compose déjà.
En 1914, il assiste au départ joyeux des mobilisés, puis aux tristes passages des trains de blessés. Aussi ardent patriote que sa grand-mère Colombe, et avec tout l'engouement de la jeunesse, il décide de parcourir à pied les 15 km pour rejoindre la garnison de Cosne, pour finir par se raviser au bout de 4 km, en préférant revenir à la vie civile !
A 14 ans, il doit arrêter provisoirement sa scolarité après s'être cassé une jambe, qu'il a du mal à faire guérir...
Il en profite pour écrire de plus belle, en aiguisant son esprit d'observation, qu'il exerçe ensuite au cours de fréquentes randonnées solitaires, enregistrant dans son esprit tout ce qu'il voit ou entend autour de lui dans la campagne nivernaise, le Nohain en toile de fond. Il se présente trés vite sur scène en tant que musicien-tambour, fait une apparition, qualifiée par lui-même de "catastrophique", dans un mélodrame joué par une troupe de passage...
Ses études terminées au collège de Cosne, Georges blanchard revient à Donzy et continue à écrire des chansons, des poésies et des revues.
En 1917, il compose une chanson flétrissant "les femmes faciles qui ne savaient pas résister au chocolat et aux bonbons U.S.A", puis fait son service militaire au camp d'Avord, où il se plait à créer les aventures du "peu argenteux" personnage de : Pitou.
A 18 ans, il organise sa première soirée, au profit de la construction du monument aux morts de Donzy.
C'est à son retour de l'armée - vers 1924 / 1925 qu'il découvre le délicieux poète beauceron : Gaston Couté (décédé en 1911), dont l'oeuvre le guidera dans ses choix poétiques et à la mort duquel il rend hommage en écrivant : "L'gars qu'atait pas méchant".
Dès 1926, il s'essaie à écrire en patois, à travers une plaquette ayant pour titre : "Cheux nous en Nivarnais"... qui présente les poémes :
- Cheux nous... en Nivarnais...
- L'Gars qu'atait pas méchant...
- Dans la Grange...
- A la Charrue...
- Arr' tins toué !
- Eh ! Qu't'atais ch'tit quanqu'qu't'atais p'tit !
En 1930, il fait la connaissance du poète berrichon Jacques Martel, lit Gabriel Nigoud, qui l'encourageront dans son ancrage local.
En 1936, il se marie et crée son premier journal : "Le petit Donziais"... et tout une série de nouveaux poèmes : "Ar'tin toué", "Dans la grange", "Cheux nous en Nivarnais".
Si bien qu'en 1938, il publie son premier recueil de poèmes "Voyage en bérouette" qui reprend certaines de ses poésies, aux Editions Nivernaises (Imprimerie H. Pontaux - 18 rue Pasteur à Cosne).
En 1939, il est mobilisé au camp d'Avord, petite compagnie de l'Armée de l'air. Cet aviateur sans avion, y fait la connaissance de beaucoup de ses futurs amis nivernais, et notamment de l'imprimeur
Paul Chassaing. Il s'illustre à travers l'écriture de la "Chanson de la 109éme" et quelques autres qui sont diffusées sur la station radio du "Poste Parisien".
Après la débâcle de 1940, il se retrouve comme beaucoup dans le sud, à Lescar près de la frontière pyrénéenne et en profite pour écrire de nombreux couplets patriotiques...
Revenu en Nivernais, il a un fils : Jean-François et reprend son activité professionnelle à la Mutuelle Générale Française à Nevers.
Envoyé à Châteauroux par son entreprise, il revient pourtant à Nevers chaque samedi, rejoindre sa famille et retrouver ses amis du "Groupe d'Emulation Artistique du Nivernais" qui se réunissent autour de l'apéritif dominical au Café des Arts de la Place Chaméane.
Son inspiration descriptive est résolument populaire, conformément à ses racines. Personnifiant les objets usuels, il les fait dialoguer au plus près d'une réalité empreinte de joie de vivre. Malice et légèreté sont présentes, mais toujours maîtrisées, pour ne pas mettre mal à l'aise l'auditeur ou le lecteur et sa sociologie paysanne a du mordant sans tomber dans la démagogie.
« Siété su ma bérouette », illustré par cet autre nivernais : Georges Tardy, reçoit le Prix Morlon le 7 avril 1942.
Georges Tardy
Outre ses parutions, Georges Blanchard diffuse sa bonne parole au cours de réunions régionalistes, avec un fin sourire, l'air bonhomme et son accent roulant de conteur inspiré.
Allant même jusqu'à créer : "la Commune Libre de Donzy" dont naturellement il est élu Maire, ce personnage hors du commun va y développer en étroite collaboration avec celle de Montmartre, conduite par Maurice Halé, de mémorables manifestations artistiques, fêtes et cavalcades ; 6 pieds de vigne de Tannay sont plantés solennellement, à cette occasion, sur la célèbre butte parisienne !
Il est également l'auteur de pièces en patois (souvent en un acte), de sketches et de revues, souvent donnés, à Donzy d'abord, puis à Nevers, et Paris. Certaines sont mêmes diffusées par « Paris-Inter » et « Radio Clermont ».
Il participe ainsi avec son ami François Beaumont, à la création du groupe Neversois : "La Troupe Beaumont" pour laquelle il écrit des pièces sur mesure.
En 1941, il habite au flanc d'un des côteaux qui domine Nevers, en limite de campagne.
En 1946, il participe à la rédaction de "l'Aiguillon" (fondé à Paris en 1880) et collabore à la publication "Nivernais-Morvan" (Le prix littéraire "de l'Aiguillon" a été créé en 1957).
En 1947, Georges est appelé à travailler au siège de son entreprise à Paris ; c'est l'occasion pour lui de s'immerger dans le milieu des artistes, des théâtres, des chansonniers et des cabarets de la capitale, mais il n'oubliera jamais la Nièvre et ses nivernais. Le 2 février, il participe à un programme de variété avec Jean Drouillet, ou l'orchestre est dirigé par Mme. Jean Drouillet ! Le 19 octobre, sont données à "la Mutualité" : "la Biaude" et "la Fille à la Hortense".
En 1949, au milieu de plusieurs représentations de sa revue : "D'vant el p'tit pouèle anc deux marmites" il écrit le scénario d'un film sur le Nivernais, et prévoit d'en confier l'écriture de la musique à M. Cortet, Chef d'orchestre de l'Opéra et enfant de la Nièvre.
En 1952, il réalise un film de court métrage, utilisant un des premiers procédés de couleur : " Le Gévacolor " illustrant un de ses poèmes : " Matin de printemps aux Champs Elysées ", mettant en vedette ses personnages habituels.
En 1960, il publie "Ma Mélie à moué, en pleuchant mes truffes", préfacé par Maurice Genevoix, Secrètaire perpétuel de l'Académie Française, et illustré par le peintre de Varzy : Rex Barrat.
En 1963, il donne de nombreuses représentations tant à Paris que dans la Nièvre, (Festival de Varzy) de sa comédie en 1 acte : "le Centuple", qu'il interprête lui-même sur scène.
En 1967, revenu dans la Nièvre, il écrit régulièrement un billet en patois et en vers dans le "Journal du Centre".
Toujours savoureux, il l'avait intitulé : "Les berdineries d'un arcandier". C'est une chapelet de spirituels petits pamphlets égratignant savamment la politique "des grands de ce jour". La même année, il fait un triomphe au XIéme salon de la Radio et de la Télévision, pour sa revue : le "Cabaret des Arcandiers".
Georges Blanchard décède le 23 décembre 1976 ; il est ihhumé au vieux cimetière de Donzy, au fond du carré de gauche en y entrant.
Voici l'épitaphe gravée sur sa tombe ; elle représente parfaitement sa conception philosophique de la vie :
" N'ayant jamais connu l'envie ;
Heureux d'avoir tout pardonné ;
J'ai ren pu d'mander à la vie ;
Merci pour tout c'qu'à m'douné. "
En 1953, H. Lapaire dans sa préface de " Autour du poêle à deux Marmites " le présente comme : un réaliste qui recherche la bonne humeur ; malicieux sans aller jusqu'à la satire, gaillard sans gaillardise, il sait éviter la boue "des ch'tits eh'mins". Ses types sont vrais. Son "bounhoume" tout "bêtiau" qu'il paraît ne manque pas de philosophie... Sa sociologie paysanne a du mordant, sans démagogie...
Son ami Charles Exbrayat l'évoque ainsi en 1960 dans la présentation de "Ma Mélie à Moué - En Pleuchant mes Treuffes : " : J'entends le rire de Georges, ce bon rire d'homme heureux, un rire qui résonne la joie simple et naïve des paysans morvandiaux *, dont notre poéte sait si bien rendre les émotions profondes ou légères, les petites ruses, les vieux soucis et les incompréhensions touchantes en face des injustices de la vie et de l'Homme..."
* (il fait l'erreur, excusable pour un auvergnat, d'y assimiler le poéte nivernais de souche et chantre de son patois, aux paysans morvandiaux... mélangeant patois et géographie).
Voici quelques extraits de ses vers :
L' patois d' cheux nous !
C'est l'chant d'la bergerounette
C'est l'grinc'ment du tombériau
L'petit cri d'la maisounette,
Quant'on veut ouvrî l'barriau.
C'est én' air déchansounette
Flûté dans nun bout d'suriau
C'est l'quersill'ment d'la rainette
Et c'est l'breuill'ment du tauriau.
C'est l'grand vent. C'est la kirielle
Dé bruits qui sortont d'partout.
C'est l'miaul'ment d'un vieux matou ;
C'est, sous les douegts d'un joueux d'vielle
Des sons aiguerlets et doux
Qu'les vieux ont chanté pour Nous.
La commugnon
Les cloch's sounnont à tout' voulée
L'curé rajuste un vieux lorgnon
Tout' la commune est terboulée :
C'est aujord'hui la Commugnon !
En gazoute heureuse et vouélée
D'pis les artous jusqu'au câgnon,
Arrive en r'tard, tout emmêlée
Dans les plis d'son biau cotillon.
Les gars, tout farauds d'yeux brassard,
Serront dans la poche un pétard
Qui f'ra coualer d'peux la vouésine.
L'temps est doux. L'horizon pus clair.
Et j'sentons s' mélanger dans l'air
L'encens avec la bounn' cuisine.
Bouquets d'hiver
Bouillets d'hivar. Bou d'chardons.
Les fleurs les plus ensorcéleues
Cachont yeux piaux fin' et frîleues
Quant' vint la saison des brandons.
Tout au long des sent's onduleues
L' Ferteux du Ciel met des cordons
Tout blancs, emparlés d'grous bondons,
Qui fondont dans mes mains caleues.
Au loin, coumme un vol dé bourdons,
J'entends les chansons des fileues.
La fred enèr' les bédons.
Et du coeur des gent' enjôleues
L'gel a chassé les rigodons.
Bouillets d'hivar. Bouillets d' chardons.
De profondis (1960)
Te v'la foutu, mon vieux patois...
J'té voués t'en aller sans défense...
Té partiras douc'ment... saans bruit...
J't'arsemble... Je j'partirons ensemble...
Nous v'la foutu, mon vieux patois.
Bibliographie :
Poésies
« Cheux nous en Nivarnais» (Editions Nivernaises - Cosne 1936 - Epuisé)
« Voyage en bérouette » (Editions Nivernaises - Imprimerie H. Pontaux - Cosne 1938 - Epuisé)
« Siété su ma bérouette » (Editions Chassaing - Nevers 1941)
« En délissant des calons » (Editions Chassaing - Nevers 1945)
« I sont partis » (Editions Chassaing - Nevers 1945) poèmes patriotiques sur la Libération.
« Autour du poêle à deux marmites » (Editions Chassaing - Nevers 1953)
Note : dans ses publications, Georges Blanchard reprend quelquefois certains poémes déjà édités.
Théâtre
« La biaude - pièce en un acte » (Editions Chassaing - Nevers 1947)
« La fille à la Hortense - pièce en un acte » (Editions Chassaing - Nevers 1947)
« En bérouette - revue régionaliste » (Editions Chassaing - Nevers 1949)
« Feu Berlauger - pièce en un acte » (Editions Chassaing - Nevers 1950)
« Un souér à la veillée - sketch » (Editions Chassaing - Nevers)
« Dans la grange - sketch » (Editions Chassaing - Nevers)
« En écoutant chanter la vielle - suite de sketches radiophoniques » (Editions Chassaing - Nevers)
« Ma Mélie à moué, en pleuchant mes truffes » (Editions Delayance - La Charité-Nevers 1960)
Page créée par Paul de Haut et Jean-Jacques Marceau avec les ajouts et corrections ultérieures de Pierre Monmignot.
|