Ne vous trompez pas, les jardins du roi dont nous parle Fatéma Oufkir ne sont pas des endroits paradisiaques, loin de là. Il s'agit des prisons du roi du Maroc, dans lesquelles les conditions de détention sont atroces, comme on peut le constater dans ce témoignage.
Le Maroc était sous protectorat français depuis 1912. Son sultan, Mohammed V était un grand nationaliste et un grand visionnaire. Il fut choisi par les Français en 1927.
Fatéma est née alors que sa mère n'avait que 14 ans.
Elle fait la connaissance d'Oufkir très jeune, à peine 15 ans, il tombe amoureux d'elle, et ils se marient en 1952, l'année de ses 16 ans.
Les festivités ont duré 22 jours. Leur premier enfant sera une fille, Malika.
La vie du couple est faite de sorties, de bals, de réceptions officielles. A 22 ans Fatéma est déjà la mère de trois enfants.
Tout bouge au Maroc ; Ben Barka souhaite que le pays accepte une constitution qui réduirait le sultan à un rôle uniquement représentatif ; de leur côté les Oufkir organisent chez eux des réunions secrètes contre les Français.
Fatéma vivait complètement dans l'entourage de Mohammed V, parfois de 8 heures du matin jusqu'à minuit, lorsqu'elle ne dormait pas au palais.
Oufkir devint aide de camp, puis Directeur de la Sureté du sultan, enfin sous le règne de Hassan II, il fut nommé Ministre de l'Intérieur.
La position sociale de Fatéma devint de plus en plus lourde à supporter ; elle finit par fuir Oufkir, et le divorce fut prononcé en 1964.
Quelques années plus tard, ils reprendront la vie commune.
Le comportement d'Oufkir vis à vis du roi change, il se permet de le critiquer en public…
Le 16 août 1972, l'avion du roi est bombardé. Oufkir est immédiatement impliqué dans ce complot ; tentative d'assassinat sur la personne du roi.
Le lendemain, Fatéma apprend par son chauffeur la mort de son mari. Version officielle : « Oufkir s'est suicidé par fidélité ». Plus tard, un rapport médical indiquera qu'il a été tué de cinq balles.
La maison des Oufkir est bouclée, personne ne peut plus y entrer.
Puis le 23 décembre 1972 le Directeur de la Police annonce « vous avez deux heures pour ramasser vos vêtements pour l'hiver et pour l'été ».
Fatéma, ses enfants, sa cousine et une gouvernante prennent la route pour les jardins du roi.
Un séjour qui durera 19 ans.
Enfermés dans une maison dont les fenêtres sont murées, sans eau courante, sans toilettes… tout leur a été retiré, même les vêtements.
Pendant 15 ans, les enfants n'ont pas reçu de souliers neufs (le plus petit avait des souliers de 3 ans lors de son emprisonnement).
Ils changent de prison, sont séparés, et les conditions de leur détention vont sans cesse se dégrader. Ils ont jeûné durant 7 années, n'ayant rien à manger. Rien ne peut apitoyer leurs bourreaux.
Le 19 avril 1987, après des mois et des mois de patience et de persévérance, quatre enfants réussissent à s'évader ; ils seront retrouvés plus tard.
Enfin le 26 février 1991, ce fut la libération pour la famille. Raison invoquée à cette détention :
Fatéma Oufkir était une personne dangereuse qui avait voulu renverser le régime.
Elle fut enfermée à l'âge de 36 ans pour connaître enfin la liberté à 55 ans.
Outre ce récit poignant, Fatéma Oufkir nous fait découvrir l'histoire du Maroc contemporain, la personnalité du roi Hassan II, celle de son mari, et nous donne là une très grande leçon de courage.
Sa fille Malika a écrit, elle aussi un témoignage sur cette période. |
Titre
Les Jardins du Roi
Auteur
Fatema OUFKIR
Edition
Michel Lafon
existe en livre de poche
Année
2000
Notation
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